En passant par Gaillac

Salon-du-Livre-de-Gaillac-2012-©-François-Darnez-Les-petits-lézards-200x151Ça m’avait manqué, je crois.
Les piles de bouquins derrière lesquelles dépassent des têtes anxieuses, avides ou ailleurs, les gens qui passent lentement de l’une à l’autre table, jaugeant en un coup d’œil, s’approchant timidement ou au contraire empoignant franchement un bouquin pour en déchiffrer la quatrième de couverture (« Il ne font que palper, aujourd’hui », s’agacera pour de rire mon sagace voisin. « On appelle parfois cela les préliminaires », lui rétorquerai-je.)

Oui, ça m’avait manqué. Même la faiseuse de livres estampillée « vue à la TV », qui de ce fait se croit autorisée à faire des caprices et à tout critiquer dès qu’elle a quitté sa table, derrière laquelle pourtant elle sourit sans relâche (et signe à tour de bras).
Ça m’avait manqué et je dois vous avouer franchement que, même si j’étais ravi d’être invité, et que je m’y suis rendu avec le sourire, je ne savais pas à quoi m’attendre en venant au Salon du livre de Gaillac. J’avais jeté un œil à la liste des auteurs invités et je n’en connaissais aucun. Je n’en connaissais aucun personnellement mais aucun non plus littérairement. Je ne connaissais aucun nom. Bon, je suppose – non, je sais – qu’aucun des auteurs présents ne connaissait le mien. Ne jamais oublier l’humilité, ne jamais oublier l’humilité, ne jamais oublier l’humilité, ne jamais oublier l’humilité, ne jamais oublier l’humilité.
Ce qui m’attendait? Le cadre magnifique d’une ancienne abbaye, la chaleur d’organisateurs et bénévoles attentifs et efficaces, un public nombreux et curieux (et acheteur), l’ambiance d’un salon à taille humaine, joviale et bon enfant.

Mais attention, tout cela aurait pu être gâché par un élément. Un seul. Appelons-le: le voisin tout pourri.
Le voisin tout pourri peut être une râleuse prétentieuse, un VRP harangueur, une névrosée suicidaire, un bavard sans oreille, un blagueur relou. A Gaillac, le sort m’a gâté puisque je partageais une table, stratégiquement placée de surcroît, avec Alain Leygonie et Angélique Villeneuve, deux personnes hautement recommandables, fines (c’est appréciable), sympathiques (c’est délectable) et peu rétives à la rigolade (c’est essentiel), tendance humour à froid.
J’aimerais aussi vous parler de Sandrine, Frédéric, Pascal, Arni, Brice, Geneviève, Mâkhi, de toutes ces rencontres plus ou moins furtives, qui auront plus ou moins de suite, mais qu’en dire? Qu’en dire sinon que j’ai de la chance d’être leur collègue, de pouvoir échanger avec eux, découvrir leur travail? Bon, je me suis encore ruiné en achetant pas moins de 6 livres mais si ça se trouve, dans 5 ans, le Salon du Livre numérique de Gaillac sera virtuel, des avatars numériques d’auteurs répondant à des visiteurs assis derrière leur clavier par webcam interposée. On signera sur l’écran, comme quand on reçoit un colis.
Et là, je regretterai non pas d’avoir trop dépensé mais de ne pouvoir le faire. Je repenserai alors, la larme à l’œil, à ce tendre bourru d’Alain me tendant sans mot dire son roman, qu’il m’avait dédicacé sans que je lui demande rien, juste parce que je lui avais dit en avoir lu les 30 premières pages et avoir été touché. Je reverrai Pascal m’invitant à sa table pour causer parce qu’il restait une bouteille de rouge à finir. Je pleurnicherai sur le bon temps d’avant, d’avant la libéralisation totale des prix des contenus numériques, d’avant que Jean-François Copé soit président de la République.

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R1 à St Germain, épisode 13 : la délocalisation sylvestre

Je misais sur deux.
Cinq, me disais-je, ce serait vraiment bien. Un succès. La légitimation par le chiffre d’un réveil aussi matinal.
Finalement, j’ai vendu dix-sept exemplaires de Qu’avez-vous fait de moi ? à La Forêt des Livres, soit certainement plus que n’en a commandé en cumulé l’Agitateur Culturel.
Quelle a été la part de la veste que j’étrennais ce jour-là – puisque définitivement elle ne servira pas pour mon mariage (ce qui était sa vocation initiale (pour la mairie)) – dans ma réussite ? Énorme je pense, me confirmant dans la certitude que dans une manifestation littéraire, plus vous vous accoutrez singulièrement, plus on vous prend pour un écrivain (alors que vêtu de la sorte à l’Epsom Derby Day, on m’eût pris pour un lad…).
La veste donc, je ne vois pas d’autre explication, car je ne crois pas avoir bénéficié de l’effet d’aspiration de mon voisin de stand :

Yves et Chucky étaient là tous les deux !

Le public d’Yves (eh oui, on est à tu et à toi tous les deux désormais…) s’est en effet dans l’ensemble assez peu intéressé à moi, sauf pour me demander de me décaler un peu, de me pousser, bref de sortir du cadre, ou alors de faire transiter jusqu’à l’Admiré le support pour l’autographe – remarquable disponibilité de l’Élu, jamais chiche en imitations sollicitées, souriant toujours, dis-po-ni-ble en un mot, un exemple pour tous les wannabe famous.

J’aurais pu davantage espérer recueillir des miettes d’intérêt de la part des inconditionnels de mes voisins de droite, mais ni Marc Lévy ni Alain Mabanckou n’osèrent se montrer à Chanceaux-près-Loches ; si je fais déjà peur à ce point dès mon premier roman, ça promet…
Je peux légitimement, vous en conviendrez, espérer ne devoir ces ventes colossales à personne, seulement à la curiosité de quelques-uns, qu’ils soient ici remerciés pour leur confiance, je n’en reviens toujours pas, et pourvu que je n’en revienne jamais… Fut-ce l’émotion de la première fois qui déforma ma perception de la réalité ? ces dix-sept là me parurent beaux, avenants, souriants et intéressants, au contraire d’autres visiteurs avec lesquels je bavardai également mais que leur frilosité intellectuelle (leur ascendance écossaise ? ou auvergnate ? mais il faut se méfier quand on parle d’auvergnats de nos jours…) me rendit moins sympathiques.

Sinon, j’ai mangé assis à côté de Jean-Jacques Debout, PPDA m’a répondu quand je lui ai parlé (j’avais un message à lui transmettre (je ne peux pas en dire plus, c’était un message personnel)), PIEM se déplace avec difficulté mais le regard pétille en tabernacle !, Hélène Grémillon n’a pas enlevé ses lunettes de soleil quand je suis venu me présenter à elle (parce qu’on est potes, talentueux et à découvrir, de Cultura) et Francis Lalanne existe pour de vrai.

Promis, dès que j’ai terminé le Jérôme Ferrari, bien parti pour entrer dans mon petit cercle de préférés, je me remets à parler de trucs intéressants.

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