Voilà, des listes commencent à fleurir un peu partout répertoriant les quelques romans qu’il ne faudra surtout pas manquer en janvier, ami lecteur.
Et forcément, soyons franc, ne pas y trouver Entre toutes les femmes plombe un peu le moral, pendant une bonne dizaine de minutes.
J’ai envie de savoir comment elles sont dressées, ces listes, par qui, si les listeurs ont lu tous les romans qui vont sortir en janvier. J’ai envie de savoir mais quelle importance après tout?
Certes, je trouve ça un peu injuste. Pas de ne point y figurer, mais qu’avec des collègues qui sans doute comme moi ont bossé comme des chiens, nous soyons relégués dans une sorte de no (ro)man’s land, des limbes d’où ils sera très difficile de s’extraire pour que soit aperçu, puis peut-être partagé, notre travail, dans lequel nous avons mis notre temps, notre énergie, notre savoir-faire, notre humanité aussi. Ces sélections sont arbitraires, cruelles, du spectacle et de la marchandisation. A quoi bon le brailler? C’est la règle du jeu, nous le savons tous, un jeu à élimination directe qui n’a que peu à voir avec la qualité – même s’il ne l’exclut pas.
Oui, lorsqu’on est publié, on sait que notre roman sera préjugé, que quelques-uns disposent du pouvoir inouï d’anéantir (c’est le mot juste) des mois et des mois de labeur. Donc il nous faut encaisser stoïquement et dignement la violence de cette exclusion. Surmonter la déception si déception il y a (le mieux pour ne pas être déçu, c’est de ne s’attendre à rien).
Et finalement, ce n’est pas si difficile.
Parce que chacun de nous, laissés dans l’ombre ou minorité distinguée, sait pourquoi il a passé des milliers d’heures sur son texte. Parce que chacun de nous, qui marquerons ou pas la rentrée de janvier (critère de sélection du Grand Prix RTL-Lire), sait à quoi s’en tenir sur les qualités et défauts de son roman. Et parce que peu d’entre nous je l’espère, sur les listes ou pas, écrivent pour la gloire ou pour l’argent.
Ce qui m’importe? Savoir si j’ai bien travaillé. Si j’ai été honnête vis à vis de l’idée que je me fais de la littérature – oui, les grands mots, désolé. Mon juge ultime n’est pas un chroniqueur littéraire mais un truc transcendant qui se moque des listes, des prix et des bandeaux rouges, même si l’humain moyennement humble que je suis doit lui se battre un peu.
Mais ce n’est pas si difficile. Je vous vois guetter à la porte, jalousie, aigreur et cynisme. Je ne vous laisserai pas entrer. Je vous aussi, colère et aquoibonisme, qui poussez derrière. Vous ne franchirez pas non plus le seuil. Je suis heureux et en paix parce que je crois que j’ai bien travaillé; savoir si cela a généré un bon roman est une autre question, à laquelle aucune sélection médiatique ne répondra à mes yeux.
Et puis il y a les libraires, les lecteurs, le temps qui fait son œuvre, les journalistes curieux, les blogueurs passionnés.
Voici que fleurissent les listes sur les romans qu’il ne faudra pas manquer en janvier. Je suis certain que dans le lot, nous en trouverons qui ennoblissent.