En passant par Gaillac

Salon-du-Livre-de-Gaillac-2012-©-François-Darnez-Les-petits-lézards-200x151Ça m’avait manqué, je crois.
Les piles de bouquins derrière lesquelles dépassent des têtes anxieuses, avides ou ailleurs, les gens qui passent lentement de l’une à l’autre table, jaugeant en un coup d’œil, s’approchant timidement ou au contraire empoignant franchement un bouquin pour en déchiffrer la quatrième de couverture (« Il ne font que palper, aujourd’hui », s’agacera pour de rire mon sagace voisin. « On appelle parfois cela les préliminaires », lui rétorquerai-je.)

Oui, ça m’avait manqué. Même la faiseuse de livres estampillée « vue à la TV », qui de ce fait se croit autorisée à faire des caprices et à tout critiquer dès qu’elle a quitté sa table, derrière laquelle pourtant elle sourit sans relâche (et signe à tour de bras).
Ça m’avait manqué et je dois vous avouer franchement que, même si j’étais ravi d’être invité, et que je m’y suis rendu avec le sourire, je ne savais pas à quoi m’attendre en venant au Salon du livre de Gaillac. J’avais jeté un œil à la liste des auteurs invités et je n’en connaissais aucun. Je n’en connaissais aucun personnellement mais aucun non plus littérairement. Je ne connaissais aucun nom. Bon, je suppose – non, je sais – qu’aucun des auteurs présents ne connaissait le mien. Ne jamais oublier l’humilité, ne jamais oublier l’humilité, ne jamais oublier l’humilité, ne jamais oublier l’humilité, ne jamais oublier l’humilité.
Ce qui m’attendait? Le cadre magnifique d’une ancienne abbaye, la chaleur d’organisateurs et bénévoles attentifs et efficaces, un public nombreux et curieux (et acheteur), l’ambiance d’un salon à taille humaine, joviale et bon enfant.

Mais attention, tout cela aurait pu être gâché par un élément. Un seul. Appelons-le: le voisin tout pourri.
Le voisin tout pourri peut être une râleuse prétentieuse, un VRP harangueur, une névrosée suicidaire, un bavard sans oreille, un blagueur relou. A Gaillac, le sort m’a gâté puisque je partageais une table, stratégiquement placée de surcroît, avec Alain Leygonie et Angélique Villeneuve, deux personnes hautement recommandables, fines (c’est appréciable), sympathiques (c’est délectable) et peu rétives à la rigolade (c’est essentiel), tendance humour à froid.
J’aimerais aussi vous parler de Sandrine, Frédéric, Pascal, Arni, Brice, Geneviève, Mâkhi, de toutes ces rencontres plus ou moins furtives, qui auront plus ou moins de suite, mais qu’en dire? Qu’en dire sinon que j’ai de la chance d’être leur collègue, de pouvoir échanger avec eux, découvrir leur travail? Bon, je me suis encore ruiné en achetant pas moins de 6 livres mais si ça se trouve, dans 5 ans, le Salon du Livre numérique de Gaillac sera virtuel, des avatars numériques d’auteurs répondant à des visiteurs assis derrière leur clavier par webcam interposée. On signera sur l’écran, comme quand on reçoit un colis.
Et là, je regretterai non pas d’avoir trop dépensé mais de ne pouvoir le faire. Je repenserai alors, la larme à l’œil, à ce tendre bourru d’Alain me tendant sans mot dire son roman, qu’il m’avait dédicacé sans que je lui demande rien, juste parce que je lui avais dit en avoir lu les 30 premières pages et avoir été touché. Je reverrai Pascal m’invitant à sa table pour causer parce qu’il restait une bouteille de rouge à finir. Je pleurnicherai sur le bon temps d’avant, d’avant la libéralisation totale des prix des contenus numériques, d’avant que Jean-François Copé soit président de la République.

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La mission

Pourquoi diable m’ont-ils invité ?
La question m’a traversé lorsque j’ai ouvert l’enveloppe, en juillet, et n’a toujours pas trouvé de réponse. Dedans, un beau carton avec mon nom écrit à la machine, pas une invitation impersonnelle, que j’eus peut-être considérée avec un peu moins de perplexité.
Pourquoi diable m’ont-ils invité ?
Avais-je fait partie de la première présélection, celle dans laquelle on fourre la moitié des romans français à sortir à la rentrée ? Dans ce cas, cela aurait signifié que le jury avait eu entre les mains les épreuves de mon roman, prévu initialement sortir le 23 août dernier, ces épreuves que je n’ai jamais vues (un jour, lassé de les attendre, j’ai appelé mon éditeur pour lui dire qu’on annulait la sortie (ce qui était déjà certainement son intention mais, comme dans une rupture amoureuse, il arrive que celui qui veut partir attende que l’autre prenne la décision (c’est lâche (mais je l’ai déjà fait)))). Peu probable hypothèse. Quelqu’un dans les hautes sphères de la Fédération a-t-il été charmé par un de mes romans ? Fais-je partie sans le savoir des meilleures ventes de la FNAC. Ah, oui, j’ai oublié de vous dire : cette questionnante invitation l’était à assister à la cérémonie de remise du Prix du roman FNAC.
Malgré mes interrogations, mon esprit d’aventurier ne tergiversa pas : fonçons vers l’inconnu et le Théâtre Marigny ! Dans ma position d’auteur confidentiel, il est certes important d’essayer de faire du relationnel mais surtout, je me disais que c’était peut-être une surprise de la part de ces petits cachottiers de la FNAC et qu’en fait, le lauréat, c’était moi. Ou alors qu’ils allaient me remettre un prix hors compétition pour l’ensemble de mon œuvre.

En l’absence de S., j’avais opté pour une cavalière haut-de-gamme, des fois que le prestige de la soirée dépasse mes prévisions. Pas question de me retrouver avec un boulet braillant : « T’as vu là-bas, c’est Patrick Goujon ! je vais lui demander un autographe ! » ou dévorant les amuse-gueule trois par trois en cherchant à faire dédicacer son t-shirt « Bertrand Guillot is God ». La première leçon de la soirée, c’est que S. a beaucoup d’anges-gardiens dans le milieu des lettres. « Comment va S. ? », « S. rentre quand ? » « T’as des nouvelles de S. ? » entendis-je une bonne centaine de fois, tandis que le regard de mon interlocuteur(trice) soit me ratatinait soit toisait méchamment ma cavalière. Une chose est claire : impossible pour moi d’avoir une aventure sexuelle dans le champ littéraire. Je dois oublier ce moyen-là pour lancer ma carrière.
Après avoir trouvé deux places assises dans le théâtre bondé, nous eûmes droit à l’attendue autocélébration de l’organisateur des réjouissances : petits films de propagande et discours du directeur, le tout émaillé de traits d’humour d’un MC que je ne connaissais pas, un certain Laurent Laffitte, c’est pas joli de piquer le nom de Philippe pour profiter de son aura.
Après la présentation des quatre finalistes, puis un magique moment d’émotion et de grâce offert par Émilie Simon en piano-voix, Ariane Ascaride et Bruno Todeschini lurent un (long) extrait de l’un des romans en compétition, La peste et le choléra, de Patrick Deville, ce qui permit à tout le monde de comprendre qui allait gagner et me fit sombrer dans une douce torpeur, pour rester poli – avançons la thèse que l’extrait a été mal choisi.
Ensuite, Delphine de Vigan monta sur scène pour annoncer, ô surprise, que le lauréat était Patrick Deville. Elle raconta une anecdote triviale au lieu de mettre en valeur le winner et lui céda sa place au micro. Deville fit un court discours plutôt rigolo et inattendu – on sent le gentil misanthrope –, qui contrebalança l’impression laissée par la lecture. Alors, le public gagna le foyer, où un cocktail dînatoire l’attendait.
Et là, chapeau! Parce que lorsque le service d’ordre nous renvoya chez nous, à minuit, il restait encore à manger (de délicieux amuse-gueule) et du champagne. Déjà que j’ai pour principe d’éviter de partir d’une fête avant la fin, quand l’open bar suit, vous pouvez être sûr qu’il faudra me désincruster au pied-de-biche. Je ne veux pas balancer, parce que c’est mal, mais David Foenkinos, Hubert Artus (élégant en tabernacle dans son costume de lin crème et radieux de retrouver un OM premier du classement), Bertrand Guillot, Patrick Goujon, Nicolas d’Estienne d’Orves et François Perrin étaient dans le même cas… L’absence de Philippe Jaenada explique peut-être cette non-pénurie d’alcool en fin de soirée – finaude transition.
Mon ours préféré, avec lequel j’avais pris l’apéro un peu plus tôt dans la journée (l’apéro ursidé commence à 16h00 (et on ne boit pas que du miel…)), m’avait chargé d’une mission : embrasser Delphine de Vigan de sa part. J’ai embrassé Émilie Simon, sans oublier de la féliciter, puis ai, après de longues recherches, reconnu dans un petit groupe la femme précédemment montée sur scène pour nous narrer comment un soir, elle s’était retrouvée à la porte de son appartement, les clés restées à l’intérieur, en chaussettes et en pleine nuit. Pourquoi avoir raconté cela ? Parce que c’était après un dîner avec Patrick Deville, étrange manière de rendre hommage tout de même.
Jaenada m’avait décrit une brune aux cheveux bouclés, je me retrouvai devant une blonde aux cheveux raides, dans cette détestable position du gueux face à la reine. Comprenons-nous bien : je ne me suis absolument pas placé dans une situation d’infériorité sociale vis-à-vis de Delphine de Vigan. C’est elle qui, dès mon « bonsoir Delphine », m’a d’un simple regard rabaissé au rang d’amibe, puis écrabouillé d’un « oui ? » poliment dédaigneux, teinté d’un nuage d’agacement. Si je n’avais pas promis à Philou, le regard fier et la main sur le cœur, de remplir coûte que coûte cette mission, j’aurais tac-au-taqué : « non, rien, bonne nuit », voilà qui l’aurait remise à sa place. Peut-être. Mais j’avais une mission, pas question de manquer à ma parole. J’ai donc passé le bonjour de Philippe Jaenada à l’auteur de Rien ne s’oppose à la nuit.
– Ah, ça fait longtemps, lâcha-t-elle.
(Blanc.)
– En tout cas, il va bien, relançai-je, hardi.
(Blanc, sourire raté – rictus plutôt.)
– Et heu… bon ben voilà, il… il vous passe le bonjour et…
– Merci. Vous lui passerez le mien quand vous le verrez.
(Eloignement.)
Ne te demande plus pourquoi tu n’es jamais invité à La grande librairie, Philou, et essaie de te souvenir de ce que tu as bien pu faire pour provoquer tant d’enthousiasme. Et accessoirement me foutre la honte : j’aurais annoncée à ta supposée amie qu’elle avait eu un bout de salade coincé dans les dents pendant tout son speech qu’elle aurait paru plus heureuse.
Pourtant, dès qu’on dit « Philippe Jaenada », en général, les gens sourient, je pense tu es la personne au monde que le plus d’humains trouvent « sympa », loin devant Jean XXIII et Franck Ribéry. Ouais, merci Philou, je te revaudrai ça. D’ailleurs, peut-être que pour me faire pardonner, tu pourrais me pistonner à Voici : t’as lu comme je raconte bien les soirées people ?

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Au suivant

Est-ce vraiment ce que nous sommes devenus, des followers, des rebloggers, des likers ? Nous suivons, nous relayons, nous aimons. Il est plus humiliant d’être suivi que suivant chantait (ironiquement) Brel. Pourtant, mais les places de leaders sont plus rares que celles de suiveurs. La compétition fait rage, une course au statut frappant, au gazouillis le plus malin ; il s’agit d’être drôle, de choquer, tout sauf l’indifférence – qui équivaut à la mort sur les réseaux sociaux. Peu de followers, peu de likes, pas de partages et l’on vous désaffecte aussi sûrement qu’une gare de campagne, qui les voit passer plusieurs fois par jour les trains qui ne s’arrêtent plus.

Pour les suivis comme pour les suiveurs, cependant, il s’agit d’être réactif. Il faut aller vite, au mépris de toute analyse, de toute réflexion. Or, on sait avec Paul Virilio que la vitesse est l’ennemi de la pensée ; en une centaine de signes, celle-ci ne peut se développer. Mais c’est ainsi que se forge l’opinion de nos jours : il faut être méta-moderne, pas de temps à perdre.

Même en littérature, il faut faire court. Je me suis vu reprocher d’avoir écrit un roman de près de 500 pages, repoussoir à critiques, paraît-il, qui préfèrent les moins épais qui se lisent plus facilement. (Est-ce à cette épaisseur que je dois la défection de journalistes qui m’avaient pourtant promis de me lire ? me demandé-je soudain (Oui, incurable naïf, je crois aux promesses ; mais je n’ai jamais obligé personne à me dire: « Je vais lire ton livre. »))
Il faut faire court, pour faciliter le travail de ceux qui jugent le nôtre – tout sauf le silence, tout sauf l’indifférence. Même si en facilitant, on va à la facilité. Donc à la simplification. Mais les suiveurs sont de plus en plus exigeants. C’est-à-dire qu’ils en veulent moins. Certains lecteurs m’avouent parfois qu’ils n’ont pas lu un article de mon blog parce qu’il était trop long… Vite, vite, vite, de la nouveauté, du buzz, en 120 signes, de quoi faire du vent en se donnant l’impression qu’on existe et qu’on pense.
Car être suiveur, c’est être actif, ne vous méprenez pas. On a même, en quelques lieux virtuels, droit à la parole. On peut y aller de son comment. On prend consistance du coup ; l’impression d’être, d’en être même parfois. Les radios aussi sont de plus en plus interactives. Le pire du pire, c’est RMC, station de l’auditeur-roi. Ils appellent, ils se déballent, ils donnent leur avis, sans aucun filtre, sans aucune censure. On se fiche de la pertinence des auditeurs – leurs interventions sont très souvent sans intérêt aucun –, il faut qu’ils se sentent écoutés. Du coup les animateurs réagissent sur des propos sans intérêt et la qualité de l’émission est tirée par le bas – dommage, j’aime bien Daniel Riolo.
L’auditeur-écouté, c’est le renversement méta-moderne, la prise de pouvoir du courrier des lecteurs. Sauf, mesdames-messieurs, que le courrier des lecteurs était écrit, et que l’écriture favorise la structuration de la pensée. CQFD. LOL.
L’auditeur-écouté, c’est l’illusion d’une démocratie participative, dans laquelle chacun pense qu’il a quelque chose à dire, que son petit avis est intéressant. Pourquoi pas si avant de parler on écoute, on réfléchit, on se fait son opinion, puis on avance des arguments et non des ressentis. La différence ? Un argument se discute, fait débat, stimule la pensée, donne à réfléchir. Un ressenti, c’est estimable, certes, mais ça ne se discute pas. Comme les goûts et les couleurs.

Tout le monde trouve formidable que chacun puisse s’exprimer.
Or, cela ne produit que cacophonie, un bruit de fond où plus personne ne fait autorité. Bah oui, le moi démocrate n’aime pas l’autorité. Mais la démocratie sans l’éducation (donc sans le débat, la discussion, les échanges), ça ouvre la voie à la démagogie. Et la démagogie, ça nous donne la droite décomplexée. Et la droite décomplexée, ça nous donne un FN (avec ses listes noires des députés à (a)battre, brrr…) de plus en plus haut. Certes, certains s’en indignent sur les réseaux sociaux.
Sur le terrain, d’autres nous préparent des lendemains qui ne gazouilleront pas vraiment.

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Le plan secret

Cher François Hollande,

Vous allez devenir président de la République dans quelques jours. Je ne peux pas dire que cela me fasse bondir de joie, que cela gonfle mon cœur d’espérance, que l’excitation me gagne à mesure que l’échéance se rapproche. A mes yeux, vous êtes un homme d’appareil, un sympathique ambitieux qui a fait son chemin au sein du PS grâce à son humour et à sa bonhomme et rouée neutralité ; que vous en ayez été désigné candidat à la présidentielle montre bien la volonté de votre parti d’améliorer nos vies…
Mais… Et si je me trompais ?
Et si vous aviez caché votre jeu jusqu’ici et que, profitant d’une Assemblée nationale rouge-verte et un peu rose, vous aviez justement décidé de mettre en place le Plan Secret que vous mûrissez depuis des années, tout en faisant semblant d’être d’accord avec tout le monde ? Et si vous n’étiez pas un gestionnaire falot et sans convictions mais au contraire Super Francesco, le justicier qui peut enfin révéler sa vraie nature aux yeux du monde ?
Parce que vous auriez compris de puis longtemps (personne, je crois, ne doute de votre intelligence) que seuls restent dans l’histoire ceux qui influent sur le destin d’un peuple, qui font œuvre de civilisation, n’ayons pas peur des mots. Que retiendra-t-on des années Chirac ? Rien. Des années Sarkozy ? Rien. Pourquoi ? Parce qu’ils ont géré, sans ambition collective, pour le seul bénéfice de quelques-uns. Que retiendra-t-on des sociaux-démocrates européens qui ont exercé le pouvoir, Blair et compagnie ? Rien.
Que voudriez-vous que l’on retienne de ce qu’on appellera un jour « les années Hollande », ou « le hollandisme » ? Que vous avez un peu augmenté les impôts des nantis, un peu fait baisser le nombre de morts sur les routes, un peu augmenté le nombre de bacheliers ? Que vous avez un peu réduit le déficit public les deux premières années, mais qu’il a grossi de nouveau à la fin du quinquennat ? Que vous avez fait perdre un A à notre si chère payée notation ? Que le prix du pain a baissé sans discontinuer sous votre mandat ? Comment voulez-vous entrer dans les livres d’histoire, dans la mémoire collective ? Comme un homme qui a fait ce qu’il a pu dans une période difficile ? Qui a pleuré en direct à la télévision lorsque l’accident à la centrale nucléaire de Chinon a fait 500’000 victimes en Touraine ? (« Nous ne vous oublierons jamais ! »)
Non.
Car vous vous seriez posé toutes ces questions, Super Francesco. Surtout quand, en 2002, lorsque Chirac a eu la chance historique d’être élu avec 80% des voix, il a continué comme avant à ne rien faire au lieu de se servir de cet élan pour proposer un nouveau contrat social, une nouvelle politique, pour prendre des risques, quoi !
Oui, votre Plan Secret est prêt, Super Francesco, et tout le monde sera bien obligé de fermer son clapet. En fait, vous allez fixer le SMIC à 1500 euros net, nationaliser les banques, les autoroutes, l’eau, l’énergie, imposer un revenu maximum à 500’000 euros annuels et surtaxer la spéculation. Entre autres mesures de salut public. Parce qu’en cachette depuis des années, vous réfléchissez au bien commun (alors que tout le monde croyait que vous essayiez seulement de ne vous fâcher avec personne au PS, au Modem et chez EELV).
De toutes façons, ils ne pourront rien dire, les vrais mous du PS (on croyait que c’était vous, le mou ; ah ah ah ! grave erreur ! Les mous, les girouettes, c’est Montebourg et compagnie, pas vous !) parce que le Président, ce sera vous ! Donc s’ils ne sont pas contents, c’est pareil ! Et puis le peuple sera derrière vous. Et le peuple, vous le savez (parce que vous êtes intelligent (et que vous mûrissez votre Plan Secret depuis longtemps (avec Mélenchon et Généreux si ça se trouve))), il est plus nombreux que les riches (que vous n’aimez pas, vous l’avez dit une fois, et ce jour-là vous avez failli vous trahir, on a failli voir le « S » imprimé sur votre torse, sous la chemise banale que vous portez pour faire croire que vous êtes un homme politique comme les autres).
Je n’ai plus aucun doute : vous n’avez pas atteint le but d’une vie pour vous écraser piteusement en plein vol et nous laisser un bilan médiocre, comme ces outsiders parvenus en finale et qui ne parviennent jamais à se lâcher lors de cette apothéose (qui se souvient de Martin Verkerk ? Personne, comme personne ne se serait souvenu du mou à lunettes qui avait succédé au teigneux à talonnettes (ah, comment il s’appelait celui-là ? Mais si, tu sais, il avait plein de tics et sa femme, c’était un mannequin…) s’il n’était devenu, à la surprise générale, Super Francesco).

Vous allez devenir président de la République, cher François, et maintenant que j’ai deviné les nobles, humanistes et citoyennes valeurs qui veinent votre Plan Secret, je vais voter pour vous non plus à reculons mais le cœur gonflé d’espérance.

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Une tenace impression de déjà-vu

Un référendum sur la règle d’or ; Bayrou qui attend avant de donner des consignes de vote ; des états-majors en campagne, qui mettent en place des stratégies ; des ministrables qui prennent position ; de la retape grossière auprès des électeurs du FN… Ça fait rêver, non ? C’est la Ve République et ça fait plus de 50 ans que ça dure, qu’on veut absolument qu’il y ait les bleus contre les rouges, et que chacun au second tour s’efforce de ratisser le plus large possible à coup de slogans, d’imprécations et de dévalorisation du camp d’en face – camps qui ne défendent plus depuis belle lurette des valeurs mais des intérêts.

Ils vont être longs, ces dix jours de l’entre deux tours, à supporter les racolages de l’un et de l’autre.

Ils vont être d’autant plus long qu’il faut aussi supporter les âneries du genre « 26%+18% = 44% de fachos* » sur les réseaux sociaux.
Nicolas Sarkozy, que je méprise profondément, soyons clairs, n’est pas un fasciste. Un arriviste, un opportuniste, un clientéliste, un népotiste mais pas un fasciste. Or, comme il n’a pas de morale et qu’il est cynique en diable, il exalte les pires instincts si cela peut le faire gagner – il n’y a que ça qui l’intéresse : gagner. Juppé n’est pas fasciste, Fillon non plus, NKM non plus. Il ne faut pas tout mélanger. Ils sont coupables d’avoir suivi Sarkozy sur la pente abjecte de la banalisation d’idées nauséabondes, parce que la fin justifie pour eux les moyens, et c’est d’autant plus condamnable qu’ils sont censés être des hommes d’Etat.
De même, tous les électeurs du FN ne sont pas fascistes. Le fascisme, c’est quoi ? Autoritarisme (avec, si possible, un homme providentiel), corporatisme, nationalisme, antidémocratisme et un petit coup de conservatisme. Soit une infantilisation du peuple, laisse, Benito s’occupe de tout, contente-toi d’obéir, tu es protégé mon petit si tu fais tout comme on te dit.
Combien de fascistes, idéologiquement, dans les 18% du FN ? A mon avis (je citerais bien mes sources mais je n’ai pas le temps, j’écris une lettre ouverte à Hollande), pas plus de la moitié. Mais beaucoup de psychanalytiquement fascistes, à savoir des gens apeurés et/ou en colère. Comme des enfants peuvent l’être. Parce que le monde est injuste et qu’on a beau se débattre, rien ne change. Parce que ceux qui ont le pouvoir depuis 30 ans sont injustes, donc illégitimes, et que pourtant ils sont toujours là, indéboulonnables, on ne peut pas les virer (comme on ne peut pas virer ses parents).
Alors on utilise le seul moyen qu’on a pour se faire entendre : la grosse bêtise, celle qui fait du bruit.
D’ailleurs, Nico et Francesco leur parlent comme à des enfants, à des garnements. A des irresponsables qui ne savent pas ce qu’ils font et qu’il faut ramener dans le droit chemin. Mais ça ne va pas marcher, parce qu’ils n’ont plus confiance, les chenapans. Ils n’en veulent pas vraiment, de la famille d’accueil bretonne, mais les leurs, de familles, ne les écoutent jamais. Elles leur parlent (« revient au bercail, mon petit ») mais ne les écoutent pas. Alors ça ne marchera pas, Nico et Francesco. Ça ne marchera pas tant que l’injustice perdurera.
Quand ton môme fait une connerie pour te défier, tu auras beau l’agonir d’injures, si tu ne lui expliques pas pourquoi c’est une connerie (ce que souvent, il sait déjà, les mômes ne sont pas si inconséquents qu’on veut bien le croire parfois), il recommencera. Et si tu n’essaies pas de comprendre pourquoi il a fait une connerie, si tu ne t’attaques pas aux causes, il recommencera.

Non mais sérieusement, vous croyez qu’ils sont racistes, dans les petits villages du fin fond du Berry (le FN y a percé spectaculairement), où le seul étranger est le garagiste d’ascendance polonaise arrivé dans les bagages de ses parents 40 ans auparavant ?
Non.
Ils sont de plus en plus pauvres, il n’y a plus de Poste, plus d’écoles, plus de gare, et les trains à Issoudun sont toujours en retard – quand ils ne sont pas supprimés.
Ils sont de plus en plus pauvres, les usines, les ateliers ont fermé, les commerces du centre-ville font faillite les uns après les autres.
Alors ils ont peur (comment leur donner tort ?).
Et ils sont en colère (ils ont raison).
Ils s’en foutent, de la règle d’or. Ils s’en foutent, des 75% au-dessus d’un million de revenu. Ils s’en foutent de Merkozy et d’Hollanchon, des variations du CAC 40 et de la taxe carbone. Mais les clopes qui augmentent, l’essence qui augmente, le Caddie© qui augmente pendant que le boulot se raréfie, voilà ce qui les préoccupe (et ça me préoccupe aussi, il faut bien l’avouer).
Quand j’habitais au fin fond de la Picardie, c’était pareil. Les mêmes discours, exactement. Les mêmes peurs ; pas des arabes ou des noirs mais de l’avenir. Les mêmes colères ; pas contre les rouges ou les bleus mais contre le système.
Pourquoi d’ailleurs ne parle-t-on pas du lien entre éducation et vote FN ? C’est politiquement incorrect de souligner que 30% des électeurs du FN n’ont pas le bac ? Non pas qu’ils soient plus cons que les autres, bien loin de moi cette idée, juste moins bien armés pour affronter leurs angoisses (qui sont un peu les miennes (je n’ai pas peur pour moi mais pour mes semblables), mais j’ai eu la chance de faire des études).
Plus on laissera décrépir l’Éducation nationale, gouverner le capitalisme financier, s’accroître les inégalités, se détisser le maillage territorial des services publics, plus il sera difficile de combattre les idées du FN. Plus on laissera de petits parvenus de province, incultes et carriéristes (Xavier Bertrand se voit à l’Élysée dans 5 ans, ai-je lu ce matin dans l’Express. On rêve…), gouverner le pays en dépit du bien commun (un ministère de l’Identité Nationale… J’étais sous la douche ce matin-là en apprenant la nouvelle et, je vous jure que c’est vrai, j’en ai lâché le pommeau de stupéfaction (sur ma tête (puis sur mon pied))), plus il sera compliqué d’expliquer que la xénophobie, le racisme, l’hystérie sécuritaire, la tentation du repli sur soi, la peine de mort ne sont pas des solutions.

Donc, plutôt que d’insulter les électeurs du FN (ce qui fait le jeu des dirigeants du FN (qui au fond n’en ont rien à foutre de leurs électeurs)), plutôt que de les mettre tous dans le même sac, faisons en sorte que le prochain président ne se contente pas de gérer à la petite semaine mais propose de vrais changements, pour que plus grand monde n’ait de raison d’être en colère ou d’avoir peur de l’avenir. On verra alors le FN revenir à son niveau sociologique : autour de 5% de fascistes et de racistes.

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Nounours

squash2Ils l’appellent Nounours.
Je le vois presque tous les soirs où je vais à l’entraînement de squash, soit en moyenne deux fois par semaine.
Il s’occupe d’une association de natation, je crois (il me faut vous expliquer qu’à Issoudun, les courts de squash sont dans la même enceinte que la piscine (trois bassins et deux toboggans) et le bowling (6 pistes)).
Tout le monde le salue (« Salut, Nounours ») mais personne ne parle jamais vraiment avec lui. Il est assis sur son tabouret, à la table bistrot, des papiers étalés devant lui. Il a souvent un stylo à la main et l’air concentré. Je ne sais pas quel âge il peut bien avoir. Entre 45 et 60 ans. Il est gros. Très gros. Et assez petit. Il a une moustache et des lunettes. Quand il se déplace, il se dandine, comme beaucoup de petits gros aux jambes courtes. Je ne crois pas (je peux me tromper) que Nounours ait une vie sociale et sentimentale très épanouie. Mais il s’occupe d’une association de natation, écrivant au tableau blanc, d’une belle écriture enfantine, les horaires d’entraînement, les convocations aux compétitions, les résultats desdites compétitions.
Il est presque toujours seul mais parfois, deux ou trois personnes s’assoient avec lui autour de la table bistrot, pendant que je m’efforce de faire de belles parallèles bien longues avec un geste de coup droit académique (le corps immobile, épaules face au mur latéral, poignet ferme, raquette levée, rien ne bouge au moment de l’impact (la balle au niveau du genou) sauf le bras). Sûrement les autres membres de l’association de natation. Dans ces cas-là, il parle peu. Il écoute. Et il écrit.
Il arrive que des ados portant des sacs d’où émergent des palmes le saluent (« Salut Nounours ! »). Il leur répond de sa voix douce. Il n’essaie pas de dialoguer avec eux – il doit savoir que c’est perdu d’avance, que les lolitas en jean taille basse le voient à peine, que les boutonneux aux cheveux raides de gel n’ont rien à partager avec lui (et bien plus avec les lolitas gloussantes (or un ours (à plus forte raison un nounours) ne glousse pas)). Alors Nounours replonge le nez dans ses papiers, organisant pour ces frétillants indifférents des compétitions, des plannings d’entraînement, lui qui ne doit plus se mettre en maillot de bain depuis longtemps, s’il l’a jamais fait (je serais étonné qu’on m’apprenne que Nounours a été champion du Berry de 100 mètres nage libre (même s’il ne faut pas se fier aux apparences (les probabilités, ça existe, l’instinct aussi (et si je croise les deux, je peux être raisonnablement affirmatif : Nounours n’a jamais fait les J.O.)))).

Il s’appelle Nounours et il m’émeut, comme m’émeut rétrospectivement Pierrick, qui s’occupait des équipes de jeunes de l’US Clohars-Carnoët. Il nous emmenait aux matches, à Rédéné, Arzano ou Quimperlé. Il écrivait les convocations à la main et les affichait sur la place de la mairie, sur le panneau en bois, le jeudi pour le dimanche suivant. Et nous on se foutait de sa gueule en douce parce qu’il était vieux (il devait avoir 35 ans…) et habitait toujours chez sa mère, parce qu’on ne le voyait jamais avec une femme, parce qu’il était trop nul pour jouer en équipe première, parce qu’il était gentiment idiot, il faut bien le dire. Mais il était là à tous les entraînements ; il était là tous les dimanches, passant chercher ceux qui ne s’étaient pas réveillés après la cuite de la veille ; il récupérait tous les maillots après les matches et les rapportait propres la semaine suivante. Désolé Pierrick.
Je me demande si Jean-François Copé, au hasard (pas tout à fait (je le hais)), a jamais fait du bénévolat. Ou encadré une sortie d’enfants de l’école au musée ou dans la forêt. C’est chouette, le bénévolat. L’exact opposé de cette affreuse maxime : « Le temps, c’est de l’argent ». Pas Nounours ou Pierrick qui auraient inventé une phrase pareille. Pourtant, le monde a plus besoin d’eux que de Jean-François Copé, me dis-je parfois en tapant une parallèle, conscient de la présence de Nounours, juste là, derrière la vitre du court (les courts de squash sont vitrés (j’explique pour les béotiens)), absorbé par ses tâches administratives (en général, je rate mon coup quand je pense trop fort à Copé).
Il s’appelle Nounours, je le salue en arrivant au squash, je le salue en repartant, mais je ne lui ai jamais vraiment parlé.
Et si j’étais aussi con que Copé, finalement ?

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Ça les perdra…

Bonheur, échange, partage.
Ouais, on pourrait juste parler de ça aujourd’hui.
C’est quand même ce qu’il y a de plus humain, de plus simple, de plus noble, de plus évident, de plus accessible, même en temps de crise – surtout en temps de crise ?
Les sourires lavande et les yeux champagne des vieilles dames à qui je lis du Buzzati ou du Maupassant le mercredi ; Guy, qui prend bien soin de demander à chacun s’il a besoin de quelque chose quand il prend la voiture pour aller en ville ; Marc, qui emmène toute l’équipe à la compétition de squash et qui refuse qu’on participe, parce qu’il estime qu’il a plus les moyens que nous (mais il ne le dira pas ainsi, bien sûr) ; le « merci » du mec que tu aides à désincarcérer son scooter d’entre deux autres sur le parking de la gare d’Austerlitz ; le petit message de félicitation dans ta boîte mail.
Petits gestes, attentions, écoute.

Bonheur, échange, partage.
Il y en a foule, de belles personnes, malgré tout. Pourquoi ceux qui sont censés être nos représentants ne les portent-ils pas, ces valeurs-là, pourtant tellement communes s’aperçoit-on pour peu que l’on ouvre les yeux ? Pourquoi n’en font-ils pas le terreau, le ferment de la république ?

Bonheur, échange, partage.
C’était hier soir aux Bains-Douches de Lignières (encore), décidément un lieu qui offre plus que de la musique de qualité : un esprit. Cela m’émeut immanquablement, cette convivialité franche et simple, cette ouverture aux autres, cette passion qui animent l’équipe, Annie et Jean-Claude Marchet en tête. Tu viens voir un concert et tu te retrouves à deux heures du matin, avec un verre de Vouvray en main, en train de ricaner avec Jeanne Garraud (la plus Tim Burton des chanteuses françaises) et ses deux acolytes, de causer technique avec l’ingé-son de Cyril Mokaiesh en fumant sur la terrasse, de discuter avec l’artiste himself de son match à Roland-Garros contre Robin Söderling (« j’en avais pris une bonne », avoue le grand jeunebranleuriste).
Un peu auparavant, je suis tombé dans les bras de Rico, batteur du groupe, rencontré voici une quinzaine d’années alors que je m’occupais chez Mercury du trio rock dans lequel il officiait à l’époque, Cox.
Un peu plus tard, une jeune femme m’interpellera : « Tu n’es pas le Erwan qui travaillait avec Fou ? » Nom de Dieu… Là on remonte vraiment loin dans le temps, la Sangria à Saint-Pourçain sur Sioule, le repaire de Coco, autre lieu au grand cœur et aux bonnes vibrations.
Michèle et ses culinaires complices ont fait de divins gâteaux, ça parle politique dans un petit groupe à ma droite, Annie me raconte sa rencontre vingt-cinq ans auparavant avec Nancy Huston (qui va venir jouer son spectacle à Lignières début juin), son amitié avec Dany Laferrière, on se promet d’écouter les disques des uns, de lire les livres des autres, de rester en contact, ça se fera ou pas, qu’importe !, tout le monde est heureux, uni par cet indicible, cet invisible…
… bonheur, échange, partage, peut-être ?
Ça ne coûte pas un rond et ça enrichit tellement.
C’est tellement simple qu’on se demande parfois pourquoi personne n’a songé à le mettre dans son programme présidentiel.
Ah si, il y en aurait bien un… Mais aujourd’hui, on n’en parlera pas, promis.

PS : Cyril Mokaiesh, il a tout. Beau, charismatique, talentueux, intense, vrai. Lui, si les petits cochons ne le mangent pas…

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Petits business entre amis

« À chaque fois que j’ai demandé quelque chose à Sarko, il a répondu présent, aurait, selon Le Canard Enchaîné, confié Gérard Depardieu. Quand j’ai eu récemment des problèmes avec l’une de mes affaires à l’étranger, il s’est mis en quatre et m’a réglé le problème de suite. Son conseiller diplomatique m’a même appelé, il a été très gentil avec moi. J’aurais perdu beaucoup d’argent s’il ne m’avait pas aidé pour ce problème. Tout ce qu’il me demandera, je le ferai. »

Non, rien.

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Trop agressif ?

« Mélenchon, il est trop agressif. »
J’entends cela à longueur de discussions politiques dès le sujet abordé.
« Trop agressif. » N’y reviens plus. Sentence définitive.
A supposer que cela soit vrai, et qu’il nous faille, si l’heure est à la douceur (et pourquoi pas après tout ?…) écarter tout concurrent « trop agressif », nous n’aurions donc plus le choix qu’entre deux candidats un peu ronds, moelleux, apaisants : Hollande et Bayrou – quoi que Bayrou, hein, faut pas le chercher…
Parce que si Mélenchon est « agressif », que dire de Le Pen ? Que dire de Sarkozy ? Et de Joly – plus rugueuse qu’agressive toutefois ?
Si Mélenchon est agressif, que dire de la publicité, de la télévision, de l’incivisme, de la misère qui nous saute au visage à chaque coin de rue, des programmes de NRJ, du ministre de l’Intérieur, de Nadine Morano, du silence sur la Syrie et la Russie, du FMI ?
Et puis « trop agressif », n’est-ce pas un peu court pour balayer d’un revers de la main un programme de 95 pages (en vente 2€ chez Librio) qui a mobilisé des milliers de militants à travers toute la France ?
Ma conviction, voyez-vous, ce n’est pas que Mélenchon est « trop agressif » mais bien que face à lui, l’électeur urbain plutôt diplômé et/ou plutôt cultivé à sympathies « de gauche », ou « humanistes », appelons-le « Téléraman », se met immédiatement sur la défensive.
Parce qu’il a peur.
Parce que Mélenchon lui renvoie dans la gueule sa contradiction majeure : le Téléraman veut se considérer de gauche (parce que cela lui donne une meilleure image de lui-même) mais au fond, il est un individualiste-arriviste-matérialiste-consumériste (i.e. il veut gagner du blé, ne pas payer trop d’impôts et rester, socialement, un dominant.) Du coup, le Téléraman se sent agressé par un homme qui ne fait que vouloir traduire en actes des valeurs, ces mêmes valeurs que notre électeur si critique porte pourtant fièrement en bandoulière.
Le Téléraman veut que ça change mais un peu, et sans trop affecter sa zone de confort ; que ça bouge mais pas trop, sans secousses. Sinon, la bonne conscience ne peut pas s’épanouir dignement, vous comprenez. Elle a besoin de calme. Et quand son chien aboie après le monde, le Téléraman préfère penser que c’est le chien qui va mal. Et changer son bull-dog pour un labrador. C’est gentil, un labrador.
Et puis le nucléaire, c’est létal, certes, mais on ne va pas non plus se priver d’électricité.

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Circulez !

Train danoisJe vois ça d’ici, brainstorming Free Lance sur la table (les Berluti, c’est pour le DA), lendemain de fiesta au Baron (note de frais), les décérébrés qui planchent sur le budget SNCF, hilares :
— Hé, j’ai une idée !
— Une idée TGV ?
— ID TGV, très bon, ça mec !
— Oh non, c’est naze, on zappe.
— Allez, reste zen !
— Mais voilà ! L’idée qu’on zappe, on reste zen : ID Zap, ID Zen, deux ambiances pour prendre le train.
— Mais… ça ne veut rien dire ! s’exclame le stagiaire venu apporter les cafés.
— JUSTEMENT !!!!

Et voilà comment à l’origine un service public monopolistique, à qui l’on demandait juste de nous acheminer d’un point A à un point B le plus économiquement possible et en respectant les horaires, se transforme en pompe à fric arnaquant joyeusement les usagers devenus clients, à coup de tarifs Prem’s, de périodes rouges et de e-billets, de « billet échangeable sans frais avant le début de validité pendant sa validité billet échangeable sans frais pour obtenir un billet avec une réservation une réduction moins importante ou un surclassement dans les autres cas d’échange une retenue de 10% sera appliqué billet remboursable avec une retenue de 10% jusqu’à la fin de validité. »
Qu’est-ce qu’on en a à foutre de l’ambiance Zen ou de l’ambiance Zap si chacun est respectueux d’autrui dans le wagon et que le TGV arrive à l’heure ? Montons d’un cran : peut-on m’expliquer l’intérêt pour les citoyens à ce que la Société Nationale des Chemins de Fer ait un service marketing ? Dépense des millions chaque en campagnes de publicité pendant que les tarifs augmentent et les trains retardent ?
Cela fait partie, comme la « bourse de Paris » à la fin des infos sur France Inter, comme la privatisation des autoroutes, comme la fortune des Dassault, de ces aberrations que nous tolérons sans même plus les remarquer et qui me font dire que non, désolé mes amis mais je ne voterai pas utile, je voterai moral.
Ah bon, vous ne voyez pas le rapport ?…

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